Lorsque j'étais enfant, chaque dimanche, Maman me conduisait chez Tante Berthe. En vrai, elle s'appelait Bertheline. C'était la mère d'un cousin de la demi-sœur de Papa. Enfin bref, c'était Tante Berthe. Maman me déposait dans l'allée et je rejoignais la petite maison à colombages en trottinant. Sans un mot, Tante Berthe libérait un fauteuil fleuri, pour que je puisse m'asseoir. Elle déposait une montagne de biscuits sur la table, mais il m'était interdit d'y toucher avant d'avoir eu son autorisation. Le premier gâteau était destiné à Cornichon, le vieux caniche sourd. Comme il ne sentait pas grand-chose non plus, il fallait généralement attendre une dizaine de minutes pour que son regard croise les gesticulations de Bertheline et que ma gourmandise soit enfin satisfaite. Après le goûter, Tante Berthe me prêtait un cahier dans lequel je pouvais dessiner en attendant le retour de Maman. Elle sortait ses mots croisés et ses grosses lunettes, et j'avais alors tout le loisir de scruter son visage bizarre, bien que familier. Ce qui m'intriguait le plus, c'était sa moustache. Mamie aussi en avait une, mais différente. Il me semblait que Bertheline entretenait la sienne, car elle était plus prononcée chaque semaine. De longs poils noirs dégoulinaient de ses narines, comme si un animal y vivait caché. Tel un scientifique, je dessinais des croquis hypothétiques de la bête, d'après mes observations minutieuses. Six heures sonnaient à la grande horloge sans que j'aie vu passer l'après-midi, et je devais alors mettre fin à mes investigations jusqu'au dimanche suivant.
Vraiment bravo Eva pour tous tes textes (je dis bien tous !). Je viens de les enchaîner, je ne saurais dire lequel est mon préféré !
RépondreSupprimerMerci mille fois Clémence, cela me touche beaucoup.
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